La théorie du commerce
international est la branche de la science économique qui s'intéresse à
la modélisation des échanges de biens et de services entre États. Elle se
penche également sur les questions d'investissement international et de taux
de change.
La théorie du commerce
international comprend deux branches essentielles. La première
est fondée sur la pensée classique inspirée de David Ricardo, et la seconde
s'inspire des outils de l'organisation industrielle et de l'économie
géographique.
Les théories classiques
Théorie des avantages absolus
Cherchant à défendre l'idée du libre échange, Adam Smith montre, à la fin du
XVIIIe siècle, en 1776, qu'un pays ne doit pas hésiter à acheter
à l'extérieur ce que les producteurs étrangers peuvent produire à meilleur
compte que les producteurs nationaux. Le pays qui vend un certain produit
moins cher que tous les autres pays possède ainsi un avantage absolu pour ce
produit. Smith indique alors qu'un pays doit se spécialiser dans la
production de biens pour lesquels il possède cet avantage absolu et acheter
tous les autres biens.
La
théorie des avantages absolus exclut l'échange réciproque entre pays ayant
des niveaux très différents de développement. En effet, le plus développé
des pays est susceptible de bénéficier de la productivité la plus élevée
dans tous les secteurs.
Théorie ricardienne des avantages comparatifs
David Ricardo, en 1817, développe la théorie de l’avantage comparatif : un
pays peut bénéficier de la spécialisation en produisant les biens pour
lesquels il possède un avantage comparatif, et ce, même s’il possède un
désavantage absolu pour tous les biens qu’il produit. David Ricardo suppose
que le travail est le seul facteur de production et que ce facteur est
mobile à l’intérieur du pays mais immobile internationalement. Pour montrer
que l’échange est toujours préférable, il imagine que le Portugal possède un
avantage absolu sur l’Angleterre pour deux biens, c'est-à-dire un cas où,
dans la théorie d’Adam Smith, l’échange ne pourrait avoir lieu. En
raisonnant sur les coûts comparatifs et non absolus, il démontre qu’il est
avantageux pour chacun de se spécialiser dans la production pour laquelle il
possède l’avantage le plus fort (vin portugais), ou le désavantage le plus
faible (tissu anglais).
La
théorie ricardienne des avantages comparatifs lie le commerce international
à des différences de technologie de production entre les pays. Le modèle de
Ricardo a deux conclusions fondamentales : les pays sont toujours gagnants à
l'échange qui permet de produire de manière plus efficace et, en situation
d'échange, les pays vont se spécialiser dans la production du bien où ils
possèdent un avantage comparatif.
Modèle Heckscher-Ohlin-Samuelson
Dans ce modèle, les échanges internationaux reposent sur des différences
de dotation dans les facteurs de production.
Ce
modèle est connu sous plusieurs noms. Il fut d'abord publié sous une forme
plus littéraire par Bertil Ohlin, qui attribua la copaternité du modèle à
son directeur de thèse, Eli Heckscher en 1933. En 1941, Paul Samuelson et
Wolfgang Stolper en déduisirent un théorème important sur la rémunération
des facteurs, qui fut systématiquement incorporé dans la présentation du
modèle, désormais connu sous l'acronyme HOS.
Les
conclusions du modèle sont :
1.
On a spécialisation
partielle de chaque pays dans le bien relativement le plus intensif dans
le facteur dont ce pays est relativement le mieux doté.
2.
On a égalisation des prix
relatifs des biens entre les pays.
3.
En raison de la relation entre
prix relatifs et rémunérations relatives, la rémunération relative du
facteur relativement le plus rare dans chaque pays diminue tandis que celle
du facteur relativement le plus abondant augmente.
Limites
Si
ce modèle occupe une place centrale dans la littérature, c'est avant tout à
cause des intuitions qu'il souligne, et de la richesse des résultats qu'il
propose.
Cependant, il est
contestable sur plusieurs points :
·
La plupart de ses prédictions sont infirmées par les flux du commerce
international :
o
Alors que les États-Unis ont un
taux de capital par tête parmi les plus élevés, ils exportent des produits
relativement intensifs en travail (paradoxe de Leontief);
o
L'égalisation des prix relatifs
n'est que rarement observée, même au sein d'une union monétaire comme la
zone euro. Cette observation amène à étudier les conséquences de différences
de demande entre les pays.
·
Dans ce modèle, la mobilité du capital conduit à une situation dégénérée :
après un équilibrage des dotations relatives, les pays se retrouvent en
autarcie.
Modèle Cairnes-Haberler
Dans le modèle Cairnes-Haberler, tous les facteurs de production sont fixes
(ils ne peuvent même pas passer d'une industrie à l'autre).
Modèle Ricardo-Viner
Dans le modèle Ricardo-Viner, certains facteurs de production sont fixes,
mais pas tous. Deux biens sont produits et l'offre de travail est répartie
entre deux secteurs. Le modèle Ricardo-Viner explique le sens de l'échange
international en développant un modèle à facteurs spécifiques (ou analyse
néofactorielle). Ce modèle énonce ses principes en introduisant d'autres
facteurs de production que le travail qui sont le capital et la terre. Le
travail est le facteur le plus mobile (peut se déplacer d'une industrie à
l'autre), le capital et la terre sont spécifiques à une industrie et des
ajustements vont se faire au niveau de ces facteurs : Ricardo et Viner ont
démontré que la dotation en facteurs spécifiques va maintenant déterminer le
sens de l'échange et remettent en cause l'approche HOS (Heckscher-Ohlin et
Samuelson). Le sens de l'échange est maintenant déterminé à travers la
qualification de travail (plus le travail est qualifié, plus il devient un
facteur spécifique). Les propositions apportées par Ricardo et Viner
montrent que le revenu du travail diminue en termes du bien dont le prix
augmente : l'augmentation de la valeur d'échange d'un bien (prix relatif)
conduit à une augmentation de la rémunération réelle du facteur spécifique
utilisé dans la fabrication de ce bien et diminue la rémunération réelle du
facteur spécifique utilisé dans la fabrication de l'autre bien dans
l'hypothèse ou deux biens sont produits.
Les théories protectionnistes
Protectionnisme ou libre-échange ?
Si
la dynamique du commerce international tend à favoriser la constitution des
monopoles, alors il semble que le protectionnisme soit justifié pour
contrôler les abus de position dominante des monopoles étrangers ou bien
empêcher leur constitution. Selon Paul Krugman, l’imperfection de la
concurrence constituait l’argument théorique suffisant pour réfuter les
thèses du libre-échange.
La
première réponse à cette objection vint de la théorie des marchés
contestables selon laquelle la concurrence peut être inexistante au plan
matériel, mais toutefois jouer son rôle. En effet selon cette théorie, une
entreprise en situation de monopole est contrainte de se soumettre aux
exigences de la concurrence si elle ne veut pas voir surgir de nouveaux
concurrents.
La
seconde réponse est que l’intervention protectionniste suscite des
représailles et provoque en fin de compte une dégradation économique de tous
les protagonistes.
Face à ces nouveaux arguments et aux études économétriques sur le sujet, on
a finalement vu les nouveaux théoriciens du commerce international adopter
une position favorable au libre-échange. Paul Krugman devenu depuis l’un des
plus fervent partisan du libre-échange est un exemple frappant de ce
phénomène.
Mercantilisme
Les
mercantilistes sont apparus via le bullionisme, le colbertisme et le
nationalisme.
Le
bullionisme correspond au mercantilisme méditerranéen de l’Espagne, du
Portugal et de l’Italie. Il est axé sur l’accumulation de l'or. L’État veut
s'enrichir pour financer les États-nations et cela le conduit à l'inflation
et à la dépréciation de l'or. On assiste alors à une économie d'oisifs avec
obligation d'importer des produits donc l'Espagne ne s'enrichira pas mais
les pays voisins vendront à l'Espagne et s'enrichiront.
Le
colbertisme correspond au mercantilisme français et de l'Europe de l'Est.
Les ministres cherchent à recentrer l'État dans les pays. L’État décide de
tout : c'est la centralisation. Colbert va mettre en place des structures
dans le but de produire pour revendre par la suite et exporter.
Le
nationalisme concerne les pays anglo-saxons et la Hollande. Les anglais sont
de bons navigateurs et ils achètent à un endroit pour revendre à un autre.
Ils développent le secteur des banques et assurances. La Hollande se
financera grâce aux bourses de valeurs qu'elle créée. Les banques vont
vouloir convertir les monnaies et il y aura création de la monnaie papier
ainsi que des accords entre les banques des différents pays. Les monnaies
seront convertibles selon l'étalon or.
Échange inégal avec le tiers-monde
Les
différentes théories du commerce international définissent dans leur
globalité un état optimal pour l'économie mondiale. Cependant ces théories
sont le résultat d'études, d'analyses qui sont exprimées sans tenir compte
des variables liées aux situations des pays du tiers monde. Il ne faudra
plus dorénavant se mettre dans une bulle parfaite, où le libre-échange ne
provoque que des résultats positifs mais par exemple laisser place aux
situations d'oligopole. Il y a une sorte de pessimisme vis-à-vis des
théories précédentes mais cela n'empêche la recherche de l'amélioration des
conditions de libre-échange.
Les
États disposent d'instruments d'actions directs sur les flux commerciaux :
administration douanières, ou indirects : les taux de change. Les
multinationales ont un rôle important dans la régulation des flux
commerciaux, les fixations de prix et les échanges de marchandises.
Avantages comparatifs autoconsolidants
Avec le développement d’une industrie apparaissent des externalités
positives : accroissement des qualifications, développement des industries
sous-traitantes et des fournisseurs à proximité. Dès lors on peut conclure
que la taille du marché consolide l’avantage comparatif. En d’autres termes,
plus un marché est grand, plus les entreprises sont compétitives en
comparaison de celles des autres marchés. D’autres facteurs sont alors
susceptibles de créer l’avantage comparatif : subventions publiques, volume
de la consommation nationale …De plus il en découle que l’ouverture au
commerce international ne fait qu’accroître les écarts de compétitivité en
renforçant les entreprises dominantes et en concentrant les industries là où
se présentent les avantages comparatifs initiaux. Cette dynamique du
commerce international provoque une tendance à l’émergence de forme de
monopoles. Avantages comparatifs souvent étudiés en termes de rendements
croissants.
Les nouvelles théories du commerce international
La théorie du cycle de vie des produits
Les
théories traditionnelles du commerce international se préoccupent peu des
questions de dynamique ou d'évolutions temporelles des spécialisations
nationales. Cette théorie a été énoncée pour la première fois par Raymond
Vernon en 1966. Eu égard à la difficulté de tenir compte à la fois du
commerce, de la croissance et des innovations produits, il s'agit moins
d'une véritable modélisation économique que de la formalisation d'un certain
nombre d'intuitions. Selon cette théorie, un produit connait un cycle de vie
caractérisé par trois "états":
1.
innovation et consommation
locale
2.
maturité et production
étrangère
3.
standardisation et déclin.
Lors de la période d'innovation, un produit à forte valeur technologique est
produit dans le pays qui a fait la découverte à l'aide d'une main d'œuvre
fortement qualifiée( apparition d'un avantage comparatif extrême). Cette
innovation est née du besoin de satisfaire une petite demande locale
inélastique. Lors de la seconde phase, la demande pour ce bien s'accroit
dans les autres riches pays développés. Le pays précurseur dans la
production du bien commence à exporter vers ces pays. Enfin durant la
troisième phase, les pays riches arrêtent de produire ce bien en raison de
l'apparition d'une production peu couteuse dans les pays en développement.
Théorie stratégique du commerce
La
théorie traditionnelle de l’échange international s’intéresse aux effets du
commerce international sur les nations en retenant comme hypothèse de base
que la concurrence est pure et parfaite. Il est déduit que le libre-échange
améliore la position des nations qui échangent, incitant donc au
démantèlement des barrières protectionnistes.
Toutefois les situations de concurrence pure et parfaite sont rares:
"l’essentiel du commerce industriel est réalisé pour des produits de
secteurs que nous considérons comme des oligopoles lorsque nous les étudions
sous leur aspect domestique" (Krugman, 1989). Dans la majorité des cas les
marchés sont en situation de concurrence imparfaite où le nombre de firmes
produisant un bien et agissant sur le marché est faible.
L’environnement oligopolistique ainsi obtenu est appelé un environnement
stratégique. Cet environnement stratégique se caractérise par
l’émergence et la résistance du profit. Dans ces conditions, il peut être
rationnel d’imposer une règlementation protectionniste.
Ces
idées constituent la base théorique de la politique commerciale stratégique
et ont donné naissance à une nouvelle approche économique de l’échange
international, dénommée "nouvelle économie internationale". Initiée par
Brander et Spencer, Paul Krugman a participé à cette nouvelle approche.
L’apparition de cette théorie remonte à la fin des années 70, mais elle
s’est surtout développée dans les années 80.
Concurrence monopolistique
Selon la théorie de la concurrence monopolistique des années 1930, la
concurrence entre les entreprises ne se fait pas seulement sur les prix,
mais aussi sur les produits. Chaque entreprise dispose d’un monopole sur un
produit qui n’est pas strictement identique à ceux des entreprises
concurrentes. Si on s’intéresse à l’application de cette théorie sur le
commerce international on découvre que :
·
vu que la création d’un nouveau
produit n’est limitée que par la taille du marché, alors l’ouverture au
commerce mondial permet d’accroître la variété des biens, ce qui permet une
meilleure adaptation de l’offre aux demandes spécifiques des consommateurs.
·
le commerce international se
fait de manière intra-branche : un pays peut à la fois importer et exporter
une même catégorie de produit.
Rendements d'échelle croissants et effets de réseau
Les
économies d’échelle peuvent justifier la spécialisation internationale. Si
l’on prend deux pays semblables en tous points : même niveau technique, même
dotation en facteurs, même taille et les consommateurs y ont les mêmes goûts
variés… et si l’on prend deux biens fabriqués dans les mêmes conditions mais
avec des rendements croissants dans les deux pays, on montre que malgré la
similitude des coûts comparatifs qui ne justifierait aucun échange entre les
deux pays, chaque pays peut trouver avantage à la spécialisation et au
commerce international pour obtenir plus de biens qu’en autarcie : le
commerce international permet à chaque pays de produire plus efficacement un
registre limité de biens sans sacrifier la variété des biens consommés. En
effet, l’augmentation de la production dans l’un des biens génère des gains
de productivité, grâce aux économies d’échelle, et donc un avantage
comparatif. Mais celui-ci ne résulte pas de différences initiales entre les
deux pays puisque par hypothèse ils étaient parfaitement semblables ; en
revanche, cet avantage comparatif trouve son origine dans la spécialisation
elle-même, recherchée pour bénéficier de rendements croissants. C’est
pourquoi on qualifie cette explication de « théorie endogène » de l’échange
international, car c’est la spécialisation et l’échange international qui
créent l’avantage comparatif issu du phénomène d’économies d’échelle.
Les modèles opérationnels
Il
existe un certain nombre de modèles opérationnels de commerce international
le plus célèbre étant le modèle d'Armington. Ces modèles sont principalement
utilisés par les instituts de conjoncture et les banques centrales. Il
s'agit moins de construire une théorie comme c'est le cas pour les modèles
précédents que de construire un cadre permettant de prédire les niveaux
d'exportations et d'importations. |