" Ce sera l'honneur de notre génération d'avoir travaillé à la réconciliation des peuples européens (…), et nous pouvons espérer que la seconde moitié du XXe siècle apparaîtra à nos descendants, et leur sera décrite dans leurs livres d'histoire, à l'égal de la Renaissance, la Réforme et la Révolution française comme une des grandes époques de l'histoire humaine ".

Obsédé par l'unité de l'Europe, Jean Rey parlait toujours avec beaucoup d'intensité passionnelle de la construction européenne. Hier, à cinq jours de l'entame de la présidence belge de l'Union européenne, les autorités du Fédéral, de la Ville de Bruxelles et de la Région de Bruxelles-Capitale ont tenu à rendre hommage au bâtisseur européen. Elles ont baptisé l'ancienne place du Conseil du nom du Ministre d'Etat libéral : la place Jean Rey. Fini donc l'ancien terrain vague prisé par les adeptes du parking sauvage qu'était la place du Conseil. Avec ses 26 jets d'eau surgissant du sol du quartier européen bruxellois, la place Jean Rey donne cœur à l'Europe et est digne de l'homme qui lui prête son nom.

Jean Rey, figure marquante du libéralisme, fut ministre de la Reconstruction et des Affaires économiques. Il participa dans les années cinquante à la consolidation du Benelux, au développement de la Communauté du charbon et de l'acier (CECA) et aux négociations conduisant à la création de la CEE et de l'Euratom (Commission européenne de l'énergie atomique). Il présida également la Commission européenne de 1967 à 1970.

 

Daniel Ducarme, président du PRL

 

Docteur en Droit de l'ULg (1926), Jean Rey, dont le père est pasteur protestant, s'inscrit comme avocat à la Cour d'Appel de Liège (1926-1958). Homme politique libéral, il est interpellé par la problématique wallonne; en 1936, avec ses amis de l'Action wallonne, il s'oppose vivement à la politique de neutralité adoptée par le gouvernement belge et Léopold III. De retour après cinq années de captivité, il participe, en octobre 1945, au Congrès national wallon de Liège où il soutient la thèse fédéraliste.. Son combat se manifeste clairement en 1947 par le dépôt, avec entre autres Marcel-Hubert Grégoire, d'une proposition de loi sur l'organisation d'un Etat fédéral. Proposition que refuseront d'examiner les parlementaires. En 1950, avant la consultation populaire sur le retour de Léopold III, il annonce qu'il y aura dans la conscience des Wallons un conflit de fidélité envers l'Etat belge. Membre du Comité permanent du Congrès national wallon, membre de Wallonie libre, Jean Rey est un animateur important du mouvement wallon.

Ministre de la Reconstruction et Ministre des Affaires économiques, il participe aussi activement aux débats sur la question scolaire. Cependant, les années '60 le verront s'occuper davantage encore de la construction européenne, notamment comme membre de la Commission de la CEE (1958-1967).

Comme commissaire européen, il a marqué profondément la Communauté par son action décidée et constructive, notamment lors des négociations du Kennedy Round. Premier président de la Commission européenne (1967-70), celui que l'on considère comme un des pères de l'Europe préside le mouvement européen de 1974 à 1978. Au moment de la formation du PRLW (1976-1977), il apporte son patronage libéral et wallon à ce nouveau parti pour lequel il figure parmi les premiers députés européens élus au suffrage universel (1979).

 

extrait de "Cent Wallons du siècle"

Institut Jules Destrée - Charleroi, 1995