C’est l’histoire d’un “minuscule terrien”, devenu majuscule. Un certain Bruno N., dit Bénabar, qui fêtait naguère des trente ans prometteurs. Il compte à présent trente-six ans — dont un et demi de paternité (est-ce que les nuits blanches, ça vaut double ?). Il compte aussi 450 000 exemplaires de son opus éponyme de 2001, et 500 000 des Risques du métier (album de variétés de l’année aux Victoires 2004).

Il compte encore quelque 350 concerts ces trois dernières années, dont Olympia, Grand Rex (où il a enregistré un live), Zénith de France et de Navarre à guichets fermés ; et deux Zénith à Paris complets trois mois à l’avance. Bref, il compte.

C’est l’histoire d’un parcours à faire rêver plus d’un aspirant au succès. En une décennie, Bénabar est passé du temps des galères à l’ère populaire ; des duos avec un copain, pour qui il avait écrit ses premières chansons (il les a finalement chantées lui-même), et des tournées avec acolytes — en 97, “Bénabar et associés” sortent l’album La p’tite monnaie — à d’autres marathons sous son seul nom ; des petites scènes de Paris et de partout à de plus grandes. Avant, donc, Olympia, Grand Rex et Zénith pleins à ras bords d’admirateurs de la célèbre danse de l’ourson (le “moon walk” de Bénabar, en quelque sorte)… Sans cesse sur les routes et les chemins, Bénabar a vu sa réputation s’étendre discrètement, mais sûrement. Le bouche-à-oreille, a installé autour de lui un public joyeusement fidèle, qui très vite a pris l’habitude de l’accompagner aux chœurs : si celui-ci, mi-trac réel mi-truc pour rire, oublie parfois les paroles de ses chansons, la salle se les, et les lui rappelle.

Chouette, voilà une brassée de nouvelles chansons à apprendre ! Des drôlatiques, des émouvantes, des rageuses, des amoureuses. Des hymnes à la mauvaise foi — trait de caractère commun à bien des contemporains qui, eux, ne s’en vantent guère, mais l’applaudissent à tout rompre chez le chanteur. Des histoires qui ont commencé avant cet album-ci : Le Dîner est le nouvel épisode de la saga entamée avec Y’a une fille qui habite chez moi ; La Berceuse précède après coup Le Vélo ; et dans Le méchant de James Bond, on croit voir un Monsieur René saisi par la révolte… Comme le réalisateur de court-métrages qu’il a été, Bénabar change d’angle et de focale. Réunit des familles autour d’éternelles enfances (4 murs et 1 toit), recrée des complicités de copains autour de petites lâchetés (Tu peux compter sur moi) ou de grands chagrins (Le fou rire), rassemble tout le monde autour d’intimes épopées et d’éclats de rire partagés. Et puis, il a une idée de cadeau vraiment original pour son amoureuse (Bruxelles), réinvente la chanson en colère (Qu’est-ce que tu voulais que je lui dise ?) et réécrit la concordance des temps (Le Cahier de solfège). Très fort.

Cet album, Bénabar et sa bande ont eu trois mois pour le mener à bien — le premier avait été bouclé en une semaine : mix compris… Du temps pour “aboutir” les chansons ; du temps pour rechercher, faire évoluer les arrangements, en travaillant avec des compagnons de pistes “qui m’ont amené à élargir mon petit monde sonore sans me dévorer” explique le chanteur. Au point, ici, de revisiter sa palette musicale pour élargir le cadre un peu coinçant de la chanson-française-de-qualité. Avec une équipe fidèle, dont Fabrice Ravel-Chapuis aux arrangements et Alain Cluzeau à la réalisation et deux nouveaux dans la bande, Jean-François Berger (également aux arrangements) et François Delabrière, qui met sa patte au mix, le son monte. Variété “revival” (époque Maritie et Gilbert…), cuivres façon enterrement à La Nouvelle-Orléans, tourneries caféinées manière Blues Brothers et “dégelées de cordes”, ça swingue et ça slowe, ça cogne et ça caresse.

C’est l’histoire d’un chanteur prometteur devenu chanteur populaire. Et pas près de somnoler sur ses lauriers... Bienvenue sur la pop planète Bénabar !

 

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