Gérard Philipe (1922-1959) a eu une existence brève mais brillante. Il a atteint le sommet de la gloire mondiale à l'âge où beaucoup d'autres ne sont qu'au début de notoriété.

La réussite de Gérard Philipe paraît facile à expliquer. La nature l'a comblé. Il avait tout pour devenir "une idole", "un monstre sacré" adoré des spectateurs et s'adaptant à leurs exigences. Il était jeune, beau, séduisant, impétueux et courageux, son rire juvénile lui attirait tous les cœurs. Il avait du talent, certains lui trouvaient du génie.

Pourtant l'histoire du cinéma mondial en connaît beaucoup d'autres qui étaient aussi doués que lui mais ne surent pas porter le poids de la gloire et succombèrent à leur propre légende organisée au prix de pénibles efforts.

Tout en prenant conscience des dons lui offerts par la nature Gérard Philipe sut se construire une autre destinée et devenir autre chose qu'une vedette avide de gloire, de richesses et d'une carrière réussie. Lui, il fut non seulement un comédien remarquable mais aussi un homme véritable, préoccupé de tous les problèmes de son temps. Et c'est justement cela qui lui permit d'incarner le rêve de toute une génération qui avait un peu plus de vingt ans à la fin de la guerre.

Beaucoup d'entre ces jeunes avaient pris part à la Résistance et connaissaient bien le prix des mots "Patrie", "Liberté", "Héroïsme", "Solidarité" Or le personnage créé par Gérard Philipe à travers ses rôles au théâtre et au cinéma leur parlait des valeurs morales qui leur étaient chères. Il leur parlait aussi d'Amour, de l'amour vrai et grand, prêt au sacrifice de soi, de l'amour romantique. Les grands mots ont une propriété particulière: ils ne perdent de leur fraîcheur primordiale, n'inspirent le respect qui leur est dû que s'ils sont prononcés par un être pur. Or, Gérard Philipe était la pureté même. Il était aussi la personnification de la noblesse, de la générosité, de la modestie. Toutes ces qualités ne sont pas monnaie courante dans le monde du cinéma auquel il appartenait par son métier. Non moins rare dans son ambiance était l'intérêt que Gérard portait aux questions sociales et son désir de mettre ses dons au service de ceux oui en avaient besoin. Il sut assumer ses responsabilités d'homme tant au Mouvement de la Paix, qu'au Syndicat Français des Acteurs dont il avait accepté la présidence pour éviter une scission. La vie du Syndicat était son souci permanent. Les activités sociales prenaient sur son travail, sur sa vie de famille, sur ses loisirs mais il ne s'en plaignait jamais. Même au seuil de la mort il ne voulait pas penser à sa maladie, aux souffrances possibles et donnait tout son cœur, toute son intelligence à ses camarades du Syndicat.

Il fut payé d'amour de tous ceux qui l'approchaient. Le jour de sa mort un jeune comédien du T. N. P. dit qu'il se serait tué pour Gérard s'il le fallait. Il exprima cet engagement avec une gravité impressionnante faisant croire à la sincérité de ses paroles.

La mort de Gérard Philipe fut pleurée non seulement en France, mais dans le monde entier. Devant les photographies du défunt exposées devant le Palais de Chaillot c'étaient les couronnes envoyées par des démocraties populaires qui étaient les plus nombreuses. On peut bien l'expliquer par le fait que pour tous ceux qui l'avaient vu à l'écran Gérard Philipe était le héros romantique incarnant l'esprit rebelle du pays dont l'histoire est riche en événements révolutionnaires.

Une raison de plus pour que la jeunesse du premier état des travailleurs du monde fasse connaissance avec ce grand comédien, cette personnalité marquante que fut Gérard Philipe.

Malheureusement aujourd'hui rarement se présente l'occasion de voir les films qui ont assuré au jeune artiste la gloire d'une vedette internationale. Quant à l'art scénique, il meurt avec le comédien.

Le symbole d'une éternelle jeunesse, Gérard Philipe, grâce à son art vibrant de passion, appelant aux rêves et aux exploits, restera à jamais le contemporain de tous les jeunes auxquels il va inspirer toujours des sentiments purs, nobles, humains.

 

(È.Ì. Êîíàêîâà “Gerard Philipe. Homme, artiste, citoyen”)