Plus attentif aux parcours individuels, plus ouvert au monde extra­scolaire, le lycée du XXIe siècle devra s'adapter à la croissante hété­rogénéité sociale des élèves. Avec une reforme des lycées attendue, Claude Allègre entame la mutation du système éducatif français.

  

Deux ans après son arrivée au ministère de l'Éducation nationale, Claude Allègre a dévoilé en mars 1999 les principes et les modalités d'applica­tion de sa réforme des lycées. Deux ans de rapports houleux avec les enseignants pour le premier grand texte de ce ministre qui s'était promis de « dégraisser le mammouth », d'alléger le mode de fonc­tionnement de l'Éducation nationale française. Pour parvenir à cette réforme, Claude Allègre avait, peu de temps après son arrivée, entrepris de donner la parole aux acteurs du monde lycéen (élèves, enseignants, syndicats de parents d'élève...). Les conclusions de cette grande consultation nationale provoquè­rent la colère des enseignants et des lycéens qui descendirent dans la rue à la rentrée 1998. Depuis, Claude Allègre a consulté, proposé, négocié, pour finale­ment tracer les grandes lignes de ce que devra être le lycée du XXIe siècle.

« Le lycée est d'abord le lieu où l'on acquiert une culture générale, profession­nelle ou technique. Il doit aussi permettre l'apprentissage d'une citoyenneté fondée sur les valeurs républicaines. L'égalité des chances doit entrer dans les faits, grâce à des programmes bien construits et à l'aide diversifiée apportée aux élèves. » Alors que le lycée fonctionne actuelle­ment selon une logique de globalisation induite par l'accession de toute une classe d'âge à ce niveau d'étude, cette réforme vise à prendre en compte la diversité des parcours individuels. On passe du mode de « tous les lycéens » à la logique du « chaque lycéen ». Pour preuve, la grande nouveauté de cette réforme : l'aide indivi­dualisée. Alors qu'un nombre croissant de parents offrent à leurs enfants des cours particuliers en supplément des heures de lycée, le service public d'éduca­tion doit faire du lycée son propre recours. Ainsi, pour la première fois, des heures d'aide individualisée seront mises en place dans tous les établissements, comme cela se pratique déjà au collège.

 

Multiplier les approches pédagogiques

 

 De nombreux points de cette réforme soulignent l'attention portée au suivi pédagogique de chaque élève. Déjà, le système de modules mis en place par la réforme Jospin en 1991 permettait une organisation des emplois du temps par demi-groupe. Désormais, la réduction des effectifs des classes est l'une des priorités. Parallèlement à un abandon de programmes trop ambitieux, le nombre d'heures de cours stricto sensu seront limitées pour permettre aux lycéens de participer à des cours optionnels et à des ateliers d'expression artistique. Multi­plier ainsi les approches vise à permettre une acquisition durable des connais­sances. Les travaux en groupe, en langue vivante notamment, donneront aux élèves des possibilités d'expression plus importantes et permettront aux enseignants de mieux appréhender les différents parcours. En première et en terminale, les travaux personnels enca­drés (TPE) offriront à chaque lycéen le choix de traiter un thème choisi parmi une liste nationale. Avec l'aide des ensei­gnants, le lycéen devra traiter, sous forme de dossier, un sujet s'appuyant sur les disciplines dominantes de sa série. Cette approche pluridisciplinaire a pour but de développer l'expression et la créa­tivité de chaque lycéen.

 

Lycéen citoyen

 

Dans toutes les séries, des cours d'édu­cation civique, juridique et sociale donne­ront lieu à un contrôle des connaissances au bacalauréat — examen qui variera très peu dans sa forme. Ce nouvel enseigne­ment comprendra des débats au cours des­quels les élèves apprendront à argumenter, à défendre leurs opinions. Ce cours entend réaffirmer que l'institution scolaire est le lieu privilégié d'apprentissage de la citoyen­neté républicaine. Une nouvelle instance, le conseil de la vie lycéenne, permettra aux élèves de s'impliquer plus activement dans la gestion de leur établissement.

Cette réforme voudrait développer l'intérêt de lycéens qui trop souvent ne comprennent pas à quoi servent les ensei­gnements qu'ils suivent. En leur offrant une ouverture propice à leur épanouisse­ment, une valorisation des savoirs extra­scolaires et des lieux d'expression, le lycée veut motiver toute une partie de ces jeunes qui ne croient plus en l'institution scolaire. Reste aux enseignants à mettre en place cette nouvelle réforme, et ce dès la rentrée prochaine. Pour eux aussi, le maître-mot du prochain millénaire sera «diversification». 

 

Sébastien Langevin

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE • N° 305