Deux niveaux peuvent être repérés comme constitutifs du management, qui permettent de se situer dans une multiplicité de théories et stratégies :

 

·       l’analyse des organisations, comme construit social et fonctionnement,

·       le comportement des individus et des groupes, et le facteur humain.

 

1.      L’école classique

 

Trois noms sont attachés à la recherche et aux évolutions :

 

·       Max Weber, penseur de la rationalisation et de la bureaucratie, propose de re­mettre en question le modèle de l’organisation traditionnelle et charismatique, en s’appuyant sur des procédures explicites de fonctionnement. On lui doit le concept « d’organisation rationnelle légale »;

 

·       Frédéric W. Taylor, inventeur de l’organisation scientifique du travail, propose une différenciation formelle des tâches confiées aux dirigeants et aux exécutants, mais il identifie et structure les différentes fonctions de l’entreprise. Il introduit des méthodes psychotechniques de sélection des individus (the right man in the right place) et explique la bonne façon d’accomplir une tâche (the one best way) ;

 

·       pour Henri Fayol, la division du travail, hiérarchie et centralisation, l’unité de commandement, constituent les bases du management scientifique et ont permis de définir le modèle de l’École classique.

 

·       Ces approches ont conduit à de réelles innovations au sein des organisations, mais elles correspondent à un moment de l’histoire des entreprises industrielles. Elles restent des repères utiles dans le management, fondés sur la structuration formelle des niveaux orga­nisés et des places. On peut leur reprocher d’évoluer vers la bureaucratie et le cloisonne­ment, et d’avoir été plus adaptées à des systèmes fermés et des environnements stables, d’avoir négligé par ailleurs les facteurs de pouvoir et de conflits humains.

 

2.    L’école des relations humaines

 

Le concept de « rationalité généralisée » comporte des limites liés à l’incertitude des en­vironnements et à une certaine irrationalité du comportement humain. Elton Mayo sera le premier à mettre en évidence le facteur humain et le champ de la motivation. Les cou­rants relatifs à la dynamique des groupes, sous l’impulsion de Kurt Lewin, apportent des pistes nouvelles pour comprendre et intégrer l’action collective, notamment les phéno­mènes de leadership et le fonctionnement des groupes restreints. Parfois en contradiction avec les théories rationnelles managériales dans les entreprises, cette approche a inauguré les analyses sur les phénomènes de pouvoir, les communications informelles.

 

3. Le management participatif

 

Lié à la direction des entreprises, le management participatif s’intéresse au mode de gou­vernement et à la construction des organigrammes, des relations humaines et sociales, et au processus de motivation et de participation des cadres et salariés. On peut la décompo­ser en plusieurs niveaux :

 

·       la direction participative par objectifs (DPPO),

·       les cercles de pilotage et de qualité,

·       l’entreprise apprenante et formatrice.

 

Il s’agit principalement de mettre en œuvre des processus de délégation et de consulta­tion, comme des éléments de la décision, impliquant la responsabilité et l’autonomie des acteurs, à tous les niveaux de l’organisation. Les démarches de projet se sont largement inspirées de cette philosophie qui concilie à la fois délégation et démocratisation de l’ac­tion organisée.

 

4. La sociologie des organisations

 

Courant plus récent apparu dans les années 70/80, il s’est fortement développé et allie deux approches, celle relative à l’organisation elle-même et celle relative aux individus qui la composent. La sociologie des organisations s’intéresse aux facteurs individuels et à l’action collective, traite de la socialisation et de la culture, de l’analyse et de la régulation du pouvoir. On peut la décomposer en plusieurs courants essentiels :

 

·    L’analyse stratégique : Michel Crozier et Erhard Fried- berg regardent l’organisation comme un système politique, qui résulte notamment du jeu des acteurs, de leur capacité à développer des stratégies et à tirer profit des zones d’incerti­tude au sein de l’organisation.

 

·    La régulation sociale : Jean-Daniel Reynaud apporte un éclairage important sur la place des règles dans l’organisation montrant comment les règles implicites ou explicites participent de la socialisation des individus et des groupes. Il distingue deux sortes de règles, celles du contrôle et celles liées à l’auto­nomie de l’individu.

 

·    L’identité et la culture : Renaud Sainsaulieu apporte de nombreux éclairages sur les phénomènes identitaires et sur le développement des cultures professionnelles ou organisationnelles. Il tente de comprendre les organisations à partir des mondes sociaux qui la composent, de l’autonomie de chacun, et identifie plusieurs modèles d’intégration sociale :

 

         l’entreprise communauté qui fonctionne sur des normes explicites et intériori­sées, et sur le sentiment d’appartenance de chacun à l’organisation.

         l’entreprise modernisée qui concerne les entreprises fragilisées par les con­textes et menacées par les environnements, qui s’adaptent et inventent une recomposition technologique et organisationnelle. Le changement global ac­compagne la démarche.

         l’entreprise bureaucratique caractérise plutôt le secteur des administrations publiques et privées et s’appuie sur la prégnance de normes, de règles et de hiérarchies qui structurent l’action collective et limitent l’autonomie des ac­teurs, mais qui tendent à pérenniser l’organisation.

         l’entreprise duale qui répond à la contrainte de performance et de concur­rence par une rationalisation accrue de la production, et par une flexibilité de l’organisation et des tâches.

 

·   l’analyse des organisations : ce courant articule sociologie et psychanalyse, indi­vidu et institution ; il observe l’organisation à travers des principes liés à la part de l’inconscient et de l’irrationnel. C’est un regard particulièrement utile pour les or­ganisations qui traversent des crises et des conflits, permettant de relativiser la ra­tionalité du vécu au sein des institutions et des groupes. L’analyse institutionnelle offre un mode d’intervention clinique adapté à certaines situations. L’anthropologie et l’ethnologie apportent leur part à la compréhension des organisations, à travers l’étude des mythes et des rites, et de la place accordée aux phénomènes de sociali­sation et de culture d’entreprise.

 

Patrick Lefèvre. Théories et stratégies du management