Grenoble,cité des sciences

Un temps d'avance

  

En accueillant les Jeux olympiques d'hiver de 1968, Grenoble s'est fait connaître dans le monde entier. Depuis, plus personne n'a besoin de chercher Grenoble sur une carte. En revanche, Grenoble, elle, n'a jamais cessé de chercher pour faire avancer la science et le monde.

 

Natif de Grenoble, Stendhal n'a jamais aimé sa ville. L'auteur du Rouge et le Noir préférait la douceur toscane à la brutalité des Alpes. Il n'est pas certain qu'il s'y plairait davantage aujourd'hui. Avec ses vieux quartiers minuscules, son architecture moderne omniprésente et les flots turbulents de l'Isère qui la traverse, la capitale du Dauphiné ne se prête guère au romantisme ou au sentimentalisme. C'est une cité d'action qui a toujours été ouverte aux idées nouvelles. Qu'il s'agisse de la Réforme ou de la Révolution française dont le prélude se déroula ici un an avant 1789, Grenoble a, dans les grands moments, souvent choisi la modernité. L'entêtement d'Aristide Berges, promoteur de l'électricité d'origine hydraulique, la « houille blanche », a favorisé l'essor industriel et la prospérité économique de la région en lui fournissant dès le milieu du xix6 siècle une énergie à bon marché pour ses usines. Papeterie, chimie, métallurgie continuent aujourd'hui d'assurer une activité importante aux 500000 habitants de l'agglomération grenobloise. Les Jeux olympiques de 1968 et l'équipe municipale entreprenante d'Hubert Dubedout ont définitivement placé Grenoble sur orbite, parmi les grands pôles internationaux mariant sciences et techniques, recherche et industrie. Les principaux secteurs porteurs d'emplois et d'avenir en cette fin de siècle sont représentés à Grenoble à la fois sous la forme de laboratoires de recherche et d'usines de fabrication : informatique, électronique, robotique, équipement, matériels de transports, technologies médicales, nucléaire... .Cette réussite repose largement sur la qualité des centres de recherche implantés à Grenoble : CNRS, Institut Laùe-Langevin (physique), CEA (nucléaire), European Synchrotron (accélérateur de particules), CNET (télécommunications), Inserm (recherche médicale), etc. Avec 17 000 chercheurs, 10 000 dans la recherche fondamentale et 7 000 dans la recherche appliquée, la capitale du Dauphiné constitue le premier pôle scientifique français après l'agglomération parisienne. « Dans cette ville, il faut être soit scientifique, soit sportif », dit-on en faisant allusion aux débouchés locaux et aux sports d'hiver qui se pratiquent dans les environs. Mais pour avoir le temps d'être les deux à la fois, mieux vaut faire partie des 50 000 étudiants (un habitant sur dix de l'agglomération) qui vivent sur le campus universitaire à l'américaine construit aux portes de Grenoble ou dans la ville elle-même. Quatre universités, neuf écoles d'ingénieurs rassemblées sous la houlette de l'Institut polytechnique de Grenoble et quelques autres établissements d'enseignement de haut niveau, vivent en symbiose avec l'industrie et la recherche. «Pôle d'excellence scientifique» depuis plusieurs décennies, Grenoble a aussi voulu expérimenter de nouveaux liens sociaux entre les habitants de ses immenses quartiers modernes construits dans les années 1960 et 1970. Cette ex-périence-là n'a pas franchement réussi. Les ambitions municipales des années 1980, celles de l'argentroi, se sont également achevées péniblement pour la capitale dauphinoise avec la condamnation du maire, à de lourdes peines de prison. Dans ce domaine aussi, Grenoble fait figure de pionnière. Une manière comme une autre de rester fidèle à soi-même !

 

STÉPHANE JARRE

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE N° 297