Le château de Versailles n'est pas un de ces musées dans lesquels le visiteur vient voir seulement le choix d'oeuvres d'art, indépendantes les unes des autres, qui y sont exposées. Il espère bien plutôt en retirer une image, même partielle, du cadre de vie que les rois de France se sont créés. Ce n'est pas le tableau isolé, la tapisserie ou la statuette de bronze qui retient son attention, mais l'ensemble, grâce auquel il semble que l'on puisse revivre l'histoire.

Versailles est l'exemple achevé de l'architecture et des beaux-arts sous Louis XIV et ses successeurs pendant le XVIIP siècle. Il offre l'image que la monarchie absolue, telle que l'a réalisée Louis XIV, a donnée d'elle-même. Mais on a par là négligé la plupart du temps l'histoire du château au XIX siècle à une époque ou il a  subi de profonds changements lorsque le Roi- Citoyen Louis-Philippe le transforma en Musée National. Le Musée National qu'il a fait aménager n'était pas un lieu de conservation de peinture d'une haute valeur artistique. Le roi a bien plutôt essayé en mettant à profit les connaissances pédagogiques de son temps, de transmettre à son peuple une idée de la  grandeur de la Nation. Il l'a fait avec une certaine intention politique. Versailles se  prêtait particulièrement à ce dessein aucun autre lieu, sans doute n'aurait pu rentrer, sensible avec telle force de persuasion le déploiement du faste et la puissance de la monarchie française et même pour la fraction républicaine de l'opinion publique s'y attachaient des souvenirs glorieux. Pour Louis-Philippe, «son» Versailles était bien davantage que le simple aménagement d'un musée. Il espérait léguer aux Français un lieu de pèlerinage, un monument national.

En majesté, il paraît impossible de surpasser Versailles. Qu'il s'agisse des bâtiments  ou des jardins, des escaliers ou des pièces d'eau, des allées, des perspectives ou des marbres, tout y respire la noblesse, la somptuosité.

Chaque année, durant une semaine environ, a lieu à Versailles une fête silencieuse et magnifique. Pour y assister, il n'est besoin d'aucun privilège. Elle est publique et naturelle. Il suffit, pour en être librement témoin, de franchir la haute grille dorée qui sépare la place d'Armes de la Cour d'honneur, dont le sol, inégal et dur aux pas, est doux à l'oeil par les nuances délicates et variées de ses pavés de grès, de longer la chapelle, de traverser le vestibule et de s'avancer jusqu'au parterre d'eau qui mire en ses bassins plats ses nobles statues de bronze, et d'où l'on domine un des plus admirables spectacles qu'il soit possible de contempler.

Quelles que soient, en effet, l'heure et la saison, c'est toujours un lieu sans pareil que ces jardins de Versailles, avec leur double rampe harmonieuse et leur perspective que termine le  Grand Canal et qu'encadre l'ombrage régulier des arbres; mais il est un instant où ils atteignent une beauté insolite et particulièrement splendide, et où ils donnent aux yeux une fête incomparable et qui est comme le moment de leur gloire suprême et parfaite, celui où l'automne, prince de l'année, les visite et y promène sa mélancolie sous sa couronne de feuilles d'or.

 

T. Téténkina "Découvrir la France"